Belo Monte :
pétition du Cacique Raoni

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Nicolas Hulot : "notre avenir est lié à celui des indiens" - interview exclusive, partie 2/2

Nicolas Hulot :

Deuxième et dernière partie de l'entretien que nous a accordé l'ancien candidat aux primaires d'Europe Ecologie-Les Verts (Eva Joly lui a été préférée le 12 juillet 2011 avec près de 58% des suffrages). Nicolas Hulot parle de l'engagement pris auprès de Raoni et de son peuple, des méfaits du nécocolonialisme - dont la majorité des indiens serait selon lui victime - et de l'utilité d'une pétition internationale, avant de conclure en apportant quelques éléments sur la diffusion de l'émission (l'ultime du magazine Ushuaïa) qu'il a tourné chez Raoni.

 


 

 

Les Kayapos sont de nature assez méfiante. Comment s’est passée au début votre rencontre avec eux et le Chef Raoni?

Cela a été précédé de repérages, d’introductions, des gens ont établi ce contact. Je pense que Raoni, je ne sais pas comment, connaissait un petit peu ma réputation, mon engagement. Je ne savais pas comment on allait être accueillis, il ne fallait pas que les choses se fassent au forceps. Donc soit on était désirés, souhaités et cette rencontre était alors possible, soit elle ne l’était pas et alors on ne l’aurait pas forcé comme on le fait en général. J’ai été même gêné par l’accueil dans son village, avec ses fêtes et ses cérémonies. C'était presque trop, cette disponibilité. Mais cela m’a mis dans une situation de responsabilité pour la suite. Ils ont compris quel était le sens de notre reportage, de ma venue, qui n’était pas de faire un sempiternel reportage de plus sur les Kayapos mais de prendre partie pour eux.

 

Vous avez partagé leur quotidien pendant 15 jours. Que pensez-vous de leur mode de vie, de leur culture?

Un peu comme on trouve souvent dans des communautés indiennes, il y a un lien très fort, une telle fierté. En même temps, comme je le disais, on lit dans le visage et les yeux des anciens de l’espoir et du désespoir et notamment lorsqu’ils regardent les jeunes en se demandant s’ils n’ont pas déjà baissé les bras, s’ils ne sont pas déjà passés de l’autre côté. Mais dès que les jeunes et les anciens sont en forêt et qu’ils y retrouvent toute leur spontanéité vis-à-vis de la cueillette, de la chasse, quand on les voit faire un camp le soir, un feu, ils sont tellement beaux à ce moment-là… Il y a beaucoup, beaucoup d’émotion.

Je me suis retrouvé dans une petite rivière à quelques pas du village en train de me baigner nonchalamment avec Raoni et quelques anciens et on riait comme des enfants. Je me suis aussi retrouvé de temps en temps marchant seul et je croisais un jeune qui me prenait alors par le bras et m’emmenait voir un arbre, un lieu, un bassin pour me baigner. Cela a été absolument magnifique. On sentait qu’il y avait beaucoup de fierté lorsqu’ils montraient ce qu’ils savaient. Quand on faisait trois pas dans des herbes insignifiantes, tout d’un coup, chaque herbe prenait un relief car une servait à soigner je ne sais quels maux, l’autre avait une vertu antiseptique, l’autre une vertu anti-inflammatoire, l’autre une vertu contraceptive. J’avais tellement confiance. Cette culture malheureusement sans écriture, si elle venait demain à disparaître, combien l’humanité s’en mordrait les doigts. Cela vaut pour la culture Kayapo comme toutes les cultures indiennes. J’ai une telle conscience que la manière dont on a écrit l’histoire est déjà une falsification incroyable et qu’aujourd’hui on est en train d’ajouter une infamie à l’infamie en continuant à nuire à ce qui reste de la civilisation indienne.

 

Les Indiens discutent beaucoup, se réunissent souvent. J’imagine que vous avez assisté à quelques discussions, que vous avez beaucoup parlé avec Raoni aussi. De quoi vous parlait-il ? Sûrement du Belo Monte ?

Oui, on parlait de beaucoup de choses car il se trouve que pendant que j’étais là-bas il y avait les événements de Fukushima, donc il s’interrogeait là-dessus. Je lui ai expliqué mon engagement, lui m’a expliqué ses combats, ses inquiétudes et évidemment le projet du Belo Monte est venu à plusieurs reprises. Il est venu me parler aussi des territoires qu’il aimerait faire classer et m’a montré sur une carte ce qu’il voudrait arriver à faire acter par les autorités brésiliennes comme étant leur territoire inaliénable. Il pensait que j’avais capacité à appeler le lendemain le Président ou la Présidente et à faire acter cela. J’ai donc essayé de lui expliquer. Il m’a accordé beaucoup plus de vertus que je n’en avais. J’ai conscience que plein de gens lui font des promesses qu’ils ne peuvent tenir, j’ai donc dit à plusieurs reprises que je ne ferai aucune promesse. La seule que j’ai pu leur faire c’est d’utiliser toutes les occasions que j’aurai pour faire valoir leur combat. Ils auront un ambassadeur à vie. Mais c’est la seule chose à laquelle je peux m’engager. Je leur ai dit que j’avais conscience qu’on a dû leur faire des promesses qui n’ont probablement pas été tenues. Donc les seules promesses que je ferai, je m’y tiendrai.

Effectivement, il m’a beaucoup parlé du Xingú, des craintes qu’il avait. Il m’a expliqué combien cela était dur pour les Indiens, combien parfois dans ce combat-là certains étaient menacés, combien certains y ont laissé leur vie.

En même temps, il y avait toujours de la place pour l’humour, pour le sourire. Je suis quelqu’un qui aime de temps en temps faire des blagues et Raoni y était très réceptif car on a besoin d’évacuer le stress par un peu de sourire. Cela passait vraiment bien. Je ne sais pas le retour que d’autres ont pu avoir mais j’ai l’impression que lui aussi a apprécié ce moment d’échanges. Plusieurs fois, il m’a pris le bras. Combien de fois, il m’a serré le bras, il y avait une espèce d’étreinte comme ça très belle.

 

Vous avez accepté de signer et de relayer la pétition de Raoni. Pensez-vous qu’il est important que son message soit entendu à l’International ?

Évidemment. La pression de la communauté internationale est importante et la communauté internationale se mobilise si on est plusieurs centaines de milliers et même des millions de citoyens de la planète qui nous mobilisons. D’abord parce que c’est notre intérêt commun. Il se trouve, je dirais, que notre avenir est lié à l’avenir des Indiens, c’est tellement évident. Il ne faut pas se poser de question, savoir si signer cette pétition a un sens : c’est à la fois futile et essentiel.

 

Quand les gens nous demandent pourquoi cela est important de défendre cette terre-là, qui est le cœur de la forêt amazonienne brésilienne, nous leur expliquons que si ce bastion tombe, ce sera probablement la fin. C’est symbolique.

C’est plus que symbolique. Il y a tellement de raisons. Tout d’abord je dirais une raison égoïste : l'Amazonie est notre avenir en termes de biodiversité, de puits de carbone. Je dirais aussi que c’est un indice de civilisation, c’est-à-dire que l’on se prétend toujours civilisé mais en réalité aujourd’hui on n’est pas plus capables qu’hier de protéger le territoire des Indiens, leur culture. On parle en permanence de richesse culturelle, de protéger le patrimoine culturel mais le patrimoine culturel ce n’est pas simplement les monuments. Il y a des langues et des cultures encore vivantes qui sont à deux doigts de sombrer dans les abysses mais qu’une mobilisation peut encore sauver. Ce n’est pas encore irréversible. Mais à un moment ou à un autre, c’est bien beau de s’insurger de crimes contre l’humanité en permanence mais ce qu’on fait subir aux Indiens c’est un crime contre des humanités.

 

Dans le Journal du Dimanche vous expliquiez en substance : « nous sommes au XXIème siècle et nous continuons à bafouer les Indiens, ce qui montre que nous ne sommes pas civilisés en profondeur ».

J’en suis convaincu. On a des indices de civilisation très sélectifs, en fonction de notre proximité géographique, notre proximité j’allais dire presque morphologique, culturelle et cela est inadmissible. On ne peut pas avoir une émotion inversement proportionnelle à la distance qui nous sépare des tragédies. On ne peut pas s’émouvoir simplement de la disparition de la civilisation indienne au XIXème siècle en pensant que tout cela est résolu. Il y a un néocolonialisme qui n’est ni mieux ni pire que le colonialisme d’antan. Quand on exploite comme cela des richesses avec tous les saccages environnementaux, en allant sur des territoires qui ne nous appartiennent pas, qui sont des héritages de civilisation que l’on s’évertue à nier, ce n’est pas l’idée que je me fais de la civilisation. Je tire toujours ce signal d’alarme : si on veut se prétendre civilisés, donner des leçons aux autres, il faut peut-être aussi à un moment ou à un autre que l’on se remette en cause et que l’on cesse de reproduire non seulement les erreurs mais aussi les ignominies d’une autre époque. On ne peut pas regarder en permanence le monde se défaire sans rien faire. Ce n’est pas possible.

 

Etes-vous déçu que le gouvernement de Dilma Rousseff n’écoute pas les populations autochtones ?

Je suis plus que déçu. Je ne sais pas si en tant que candidat j’aurai l’occasion d’obtenir un rendez-vous mais je peux vous dire que si je suis candidat j’essaierai d’aller au Brésil et d’obtenir un rendez-vous pour plaider cette cause.

 

Cela vous choque-t-il que les turbines prévues pour le barrage du Belo Monte soient de construction française (Alstom) ?

Vous me l’apprenez, je ne sais pas tout. Oui, évidemment cela me choque. Maintenant que je le sais, je pourrai mieux cibler ma communication.

 

Les fidèles d’Ushuaïa, auront-ils un jour la possibilité de voir le dernier numéro avec le Chef Raoni, bloqué pour cause de campagne électorale ?

En fait dans ce documentaire, il y a deux parties : une tournée en Colombie avec les Indiens Arhuacos et Kogis, absolument magnifique, et tout ce passage avec les Indiens Kayapos. Franchement, la chance veut que ce soit peut-être le dernier Ushuaïa mais c’est l’un des plus beaux. Donc il n’est pas question pour moi qu’il reste dans les archives. Malheureusement, il y a des règles à respecter et on ne peut pas les diffuser tant que je suis candidat. Je pense que ce sera diffusé, sous une forme ou une autre, sur TF1, après la campagne, après mai 2012.

 

Êtes-vous content des images ? Les avez-vous vues ?

Je n’ai pas encore vu le montage. Je sais à l’avance quand on a de belles choses. Je sais même qu’en l’état on a pratiquement de quoi faire deux émissions, donc cela va être très cruel de faire des coupes dans les images.•


Lien vers la 1ère partie de l'interview

 

Texte & interview : Gert-Peter Bruch
Remerciements : Noëlla Lefebvre

Date de l'article : 13/07/2011

Auteur de l'article : Gert-Peter BRUCH

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